mercredi 30 mars 2016

Khatm-e-Nubuwwat, le blasphème et les ahmadis

Au Pakistan l'association d'avocats "Khatm-e-Nubuwwat" s'occupe de faire condamner à mort le plus de gens possible pour blasphème. La loi à ce sujet, durcie en 1990, prévoit la peine de mort uniquement. Ça crée, ça maintient une ambiance, tout ça. Le genre d'ambiance qui conduit les plus sportifs à assassiner les politiciens qui critiquent la loi, ou à organiser des attentats visant des enfants chrétiens et tuant un peu tout le monde en vrac.
 
La même association, ou une association de même nom (les grands esprits se rencontrent), distribue des tracts dans la communauté pakistanaise du Royaume-Uni, incitant à la haine des ahmadis, communauté religieuse déclarée non-musulmane par l'Etat pakistanais en 1974 dans un accès de ferveur imbécile qui ne s'est pas démenti depuis. (Apparemment un Pakistanais désirant obtenir un visa doit signer un papier certifiant que les ahmadis ne sont pas musulmans.)
 
Jusqu'ici il n'y avait pas eu de meurtre d'ahmadi au Royaume-Uni. Et bien, aujourd'hui, c'est chose faite ! Un ahmadi a été assassiné à Glasgow pour avoir souhaité "Joyeuses Pâques" à des chrétiens. Et parce qu'il était ahmadi. Double crime.

Le gouvernement royaume-unien doit bien avoir moyen de sévir contre ces crapules. Les juges royaume-uniens entravent régulièrement la liberté de parole au nom de la vie privée des ploutocrates et autres pourritures richissimes (ce qui est une des raisons de l'attractivité de Londres auprès des ordures milliardaires du monde entier). Mais par contre la haine des fanatiques religieux serait libre de s'exprimer sans entraves ? A d'autres ! Il faut sévir, il faut réprimer. Les fanatiques ne s'arrêteront pas en si bon chemin.

http://blogs.reuters.com/faithworld/2016/03/20/conservative-muslim-pakistani-lawyers-group-behind-spike-in-blasphemy-cases/

http://in.reuters.com/article/britain-pakistan-religion-ahmadis-idINDEE86N06Q20120724

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/03/30/asad-shah-musulman-ecossais-pacifiste-assassine-en-ecosse_4892446_3214.html
Le poète allemand Heinrich Heine (1797 - 1856) avait une relation douloureuse envers sa patrie. Il fut parmi les premiers à en dénoncer le chauvinisme et l'autoritarisme, à une époque où les Français s'émerveillaient naïvement du romantisme allemand. L'Allemagne lui rendait bien cette ambivalence et ce violent rejet : bien après sa mort, Guillaume II le jugea « le pire saligaud des poètes allemands », ce qui est assez flatteur venant d'un empereur remarquablement obtus, chauvin et rétrograde.

Pour décrire ses sentiments envers la Russie arriérée, à la fois « divine » et « porcine », le poète russe Alexandre Blok parlait d'un « amour qui hait ». Cela s'applique parfaitement à Heine :

« Tout ce qui est allemand me répugne [...] agit sur moi comme un vomitif. La langue allemande me déchire les oreilles. Parfois mes propres poèmes me dégoûtent quand je prends conscience qu’ils sont écrits en allemand. »

Attaqué dans son pays, Heine vécut longtemps en France et épousa une grisette française qui entre autres qualités ne parlait pas allemand et ne connaissait rien de sa gloire poétique.

Inquisiteurs, tes yeux noisette
M’interrogent : « Qui es-tu, et que te manque-t-il,
Homme étranger, homme qui souffre ? »
« Je suis un poète allemand
Renommé dans le pays d’Allemagne ;
Cite-t-on les plus fameux,
Mon nom aussi sera du nombre.
Et ce qu’il me manque, petite,
À plus d’un manque, dans le pays d’Allemagne ;
Cite-t-on les plus cruelles peines,
Les miennes aussi seront du nombre.



J'avais autrefois une belle patrie.
Le chêne
Y croissait si haut, les violettes opinaient doucement.
C'était un rêve.
Elle m'embrassait en allemand, et en allemand prononçait
(On imagine à peine comme cela sonne bien)
Les mots : "Je t'aime !"
C'était un rêve.