samedi 3 décembre 2016

Des goûts et des couleurs...


Qui a commis les attentats du Onze-Septembre ? Mystère. Probablement la CIA ou les petits hommes verts. Chacun son opinion, après tout elles se valent toutes.

52% des musulmans britanniques "ne savent pas" qui a commis les attentats du 11-Septembre. 31% pensent que le gouvernement américain est coupable. Pour 7%, c'est "les juifs" qui ont fait le coup. Seuls 4% pensent que c'est al-Qaeda.

Je pensais bêtement, naïvement, que la vérité était une quête humble et obstinée, une question de respect des faits. Il s'avère que la vérité n'est que relative et même décorative, un marqueur identitaire comme un autre, ni plus ni moins qu'un bout de tissu ou une paire de boutons de manchettes. Une question de préférence personnelle. Des goûts et des couleurs...

Ce genre d'attitude est très répandu. Mais là on atteint des sommets.

Pour le coup GWB n'a pas aidé avec ses histoires inventées de toutes pièces : armes de destruction massive, alliance entre Saddam Hussein et Ben Laden... Théories du complot venues d'en haut, qui ont durablement miné la crédibilité US. Et un bel exemple des conséquences terrifiantes d'un rapport élastique à la réalité.

Là il ne s'agit pas de quelques rêveurs pleins de fantaisie : il s'agit d'un déni massif de la réalité. L'idée générale est que les musulmans sont toujours victimes et boucs émissaires, jamais perpétrateurs. De même, des gens par ailleurs intelligents et courageux vont expliquer que Daesh c'est un coup du Mossad et des Américains. Si des musulmans tuent des musulmans, c'est forcément la faute de forces extérieures. Et c'est ainsi qu'un jeune réfugié somalien dans l'Ohio a blessé 13 personnes avec sa voiture, pourquoi ? Parce que l'oumma est persécutée. Parce que les Rohingya souffrent en Birmanie !

Bref, il y a un problème.

dimanche 9 octobre 2016

Ted Hughes, Relic


Tentative de traduction, sans rythme ni rime.

RELIQUE

J'ai trouvé cette mandibule sur le rivage.
Là, crabes, chiens de mer, brisés par les déferlantes, ou jetés
Et tressautant une demi-heure avant de se dessécher en une croûte,
Continuent le commencement. Les profondeurs sont froides ;
Dans cette obscurité, la camaraderie n'a pas cours.

Rien ne touche, qui n'agrippe et ne dévore. Et les mâchoires,
Avant d'être satisfaites, avant que leur but tendu
Ne se relâche, finissent entre des mâchoires, finissent rongées jusqu'à l'os. Les mâchoires
Mangent, et finissent, et la mandibule arrive sur la plage.
C'est ce qu'accomplit la mer, avec les coquilles,
Les vertèbres, les pinces, les carapaces, les crânes.

Le temps, dans la mer, se mange la queue, prospère, rejette
Ces indigérables, espars de desseins
Qui ont failli loin de la surface. Nul ne devient riche
Dans la mer. Cette mandibule recourbée n'a jamais souri,
Mais toujours attrapait, attrapait ; c'est maintenant un cénotaphe.


dimanche 31 juillet 2016

Politique

La politique est un sport fascinant à regarder. La campagne présidentielle américaine est l'occasion d'admirer les athlètes politiques, leur ambition dévorante, la discipline avec laquelle ils domptent leur spontanéité, au risque de perdre leur âme, à supposer que cette expression ait un sens.

Comme un sport de haut niveau, une campagne politique requiert une discipline de fer... La différence c'est que le politicien le plus expérimenté, acharné et discipliné est potentiellement vulnérable face à un amateur qui donne l'impression de dire tout ce qui lui passe par la tête.

Ici et là des détails fascinants.

Hillary Clinton renonce à être l'invitée d'honneur de la plus puissante association LGBT aux US : ce soir-là elle doit absolument aller à l'émission "Saturday Night Live" redorer sa très mauvaise image en montrant qu'elle est capable de rire d'elle-même avec bonne grâce. (Chose que Trump avait très bien faite dans le temps d'ailleurs.)

John McCain, vétéran républicain, candidat à la présidence en 2000 et 2008, s'était distingué (surtout en 2000) par des prises de position centristes, modérées, susceptibles de plaire au-delà de son parti. En 2000 la campagne Bush Jr. l'avait attaqué avec une grande violence, et il avait été la cible d'une campagne anonyme de ragots ignobles : sa femme se droguait, il avait eu sa fille hors mariage avec une femme noire (en fait elle est adoptée). Il faut dire qu'il avait provoqué Bush fils en le comparant à Bill Clinton. Après son second échec de 2008, confronté aux changements de son parti, McCain s'était scrupuleusement appliqué à devenir un vrai conservateur. Cette année, Trump l'a odieusement insulté. Pourtant il a avalé la pilule et soutient officiellement Trump. C'est qu'à 80 ans passés, il s'acharne encore à être réélu sénateur en Arizona. Il est mal barré, son parti est divisé : qu'il soutienne Trump ou non, il perdra des électeurs. Il considère qu'il perd moins de voix en soutenant Trump.

Ted Cruz est un petit roquet ultra-conservateur, et en réalité un opportuniste. Mais contrairement à d'autres plus modérés il a refusé de soutenir Trump à la Convention républicaine, et a fini son discours sous les huées. Courageuse prise de position ? Plus vraisemblablement, il pense déjà à la suite, après la défaite des républicains en novembre, à la gueule de bois et au règlement de comptes qui s'ensuivront. Il a fait un pari risqué mais pas bête. Si Trump perd, s'il n'est pas trop oublié d'ici là, il a une chance de passer pour un prophète et un homme courageux.

samedi 16 avril 2016

mardi 12 avril 2016

Musique de cour de Java (gamelan)

Le gamelan c'est un orchestre, principalement à percussion : xylophones métalliques, gongs, tambours... Et aussi des flutes, des voix masculines et féminines. Chaque gamelan est unique et a un son unique.

Voici trois interprétations différentes du même "standard" très connu, le ketawang Puspawarna ("toutes sortes de fleurs"). La structure rythmique de base et la mélodie sont les mêmes dans leurs grandes lignes.

Cette interprétation est la plus "lisible" :
https://youtu.be/_u-JI48m3GQ?t=18m29s


Sur celle-ci, une base harmonique différente sur les percussions crée une atmosphère mystérieuse :



Enfin, j'aime beaucoup cette troisième version où la voix fémine improvise et "brode" sur la mélodie masculine:





mercredi 30 mars 2016

Khatm-e-Nubuwwat, le blasphème et les ahmadis

Au Pakistan l'association d'avocats "Khatm-e-Nubuwwat" s'occupe de faire condamner à mort le plus de gens possible pour blasphème. La loi à ce sujet, durcie en 1990, prévoit la peine de mort uniquement. Ça crée, ça maintient une ambiance, tout ça. Le genre d'ambiance qui conduit les plus sportifs à assassiner les politiciens qui critiquent la loi, ou à organiser des attentats visant des enfants chrétiens et tuant un peu tout le monde en vrac.
 
La même association, ou une association de même nom (les grands esprits se rencontrent), distribue des tracts dans la communauté pakistanaise du Royaume-Uni, incitant à la haine des ahmadis, communauté religieuse déclarée non-musulmane par l'Etat pakistanais en 1974 dans un accès de ferveur imbécile qui ne s'est pas démenti depuis. (Apparemment un Pakistanais désirant obtenir un visa doit signer un papier certifiant que les ahmadis ne sont pas musulmans.)
 
Jusqu'ici il n'y avait pas eu de meurtre d'ahmadi au Royaume-Uni. Et bien, aujourd'hui, c'est chose faite ! Un ahmadi a été assassiné à Glasgow pour avoir souhaité "Joyeuses Pâques" à des chrétiens. Et parce qu'il était ahmadi. Double crime.

Le gouvernement royaume-unien doit bien avoir moyen de sévir contre ces crapules. Les juges royaume-uniens entravent régulièrement la liberté de parole au nom de la vie privée des ploutocrates et autres pourritures richissimes (ce qui est une des raisons de l'attractivité de Londres auprès des ordures milliardaires du monde entier). Mais par contre la haine des fanatiques religieux serait libre de s'exprimer sans entraves ? A d'autres ! Il faut sévir, il faut réprimer. Les fanatiques ne s'arrêteront pas en si bon chemin.

http://blogs.reuters.com/faithworld/2016/03/20/conservative-muslim-pakistani-lawyers-group-behind-spike-in-blasphemy-cases/

http://in.reuters.com/article/britain-pakistan-religion-ahmadis-idINDEE86N06Q20120724

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/03/30/asad-shah-musulman-ecossais-pacifiste-assassine-en-ecosse_4892446_3214.html
Le poète allemand Heinrich Heine (1797 - 1856) avait une relation douloureuse envers sa patrie. Il fut parmi les premiers à en dénoncer le chauvinisme et l'autoritarisme, à une époque où les Français s'émerveillaient naïvement du romantisme allemand. L'Allemagne lui rendait bien cette ambivalence et ce violent rejet : bien après sa mort, Guillaume II le jugea « le pire saligaud des poètes allemands », ce qui est assez flatteur venant d'un empereur remarquablement obtus, chauvin et rétrograde.

Pour décrire ses sentiments envers la Russie arriérée, à la fois « divine » et « porcine », le poète russe Alexandre Blok parlait d'un « amour qui hait ». Cela s'applique parfaitement à Heine :

« Tout ce qui est allemand me répugne [...] agit sur moi comme un vomitif. La langue allemande me déchire les oreilles. Parfois mes propres poèmes me dégoûtent quand je prends conscience qu’ils sont écrits en allemand. »

Attaqué dans son pays, Heine vécut longtemps en France et épousa une grisette française qui entre autres qualités ne parlait pas allemand et ne connaissait rien de sa gloire poétique.

Inquisiteurs, tes yeux noisette
M’interrogent : « Qui es-tu, et que te manque-t-il,
Homme étranger, homme qui souffre ? »
« Je suis un poète allemand
Renommé dans le pays d’Allemagne ;
Cite-t-on les plus fameux,
Mon nom aussi sera du nombre.
Et ce qu’il me manque, petite,
À plus d’un manque, dans le pays d’Allemagne ;
Cite-t-on les plus cruelles peines,
Les miennes aussi seront du nombre.



J'avais autrefois une belle patrie.
Le chêne
Y croissait si haut, les violettes opinaient doucement.
C'était un rêve.
Elle m'embrassait en allemand, et en allemand prononçait
(On imagine à peine comme cela sonne bien)
Les mots : "Je t'aime !"
C'était un rêve.