lundi 24 juin 2013

Le télévangéliste et ses "chatons"

J'avais découvert le nom d'Adnan Oktar, alias Harun Yahya, lors d'un débat animé avec un collègue religieux, puis j'avais creusé un peu. Je le connaissais en tant que créationniste, auteur d'un (très mauvais) livre censé démonter le darwinisme, complotiste dénonçant le rôle néfaste des sionistes et des francs-maçons dans l'histoire, négateur de l'Holocauste, pourfendeur du bouddhisme...

Je ne savais pas qu'il avait son show télévisé ! Et quel show ! Plein de pulpeuses animatrices au physique improbable de poupées Barbie. C'est ce qu'Adnan Oktar considère comme un islam moderne et ouvert au monde : unité panislamique et poulettes siliconées !

Saluons sa lutte courageuse contre le communistes, responsables des violences au parc Gezi...

Autre vidéo intéressante (je ne parle pas turc malheureusement): Paris est belle, mais qu'en est-il de la menace communiste ?

dimanche 23 juin 2013

Regretterons-nous Mahmoud Ahmadinejad ?

De Mahmoud Ahmadinejad, on retient le plus souvent le populisme inepte, les provocations nucléaires, ses doutes sur l'Holocauste ou le 11-Septembre. Ce président à la piété fervente, persuadé d'être en communication directe avec le Mahdi (le douzième et dernier imam qui, "occulté" par Dieu, réapparaîtra à la fin des temps), fut réélu plus ou moins régulièrement en 2009 grâce au soutien du Guide suprême Ali Khamenei.

Un intéressant article paru dans Foreign Policy (EN) et Slate (FR) vient nous rappeler des aspects plus méconnus. Ahmadinejad était le premier président à ne pas être un mollah ; son Islam populaire était en opposition explicite avec celui des religieux professionnels, ceux dont la rhétorique était pleine de termes arabes et de citations du Coran; ceci ne pouvait que plaire à un électorat nationaliste et peu arabophile. Il s'en est pris avec succès à la richesse du clergé, qui contrastait avec les souffrances d'un pays soumis aux sanctions économiques. Lors de son second mandat il a tenté de réduire les sommes allouées par le gouvernement aux institutions religieuses.

Rappelons qu'en Iran, théoriquement le Président de la république représente la souveraineté du peuple, le Guide suprême celle de Dieu. Concrètement, depuis Khomeini le Guide suprême s'est arrogé tous les pouvoirs, ne laissant que peu de marge au Président. Aucun président n'a vraiment pu s'imposer face au Guide suprême, mais Ahmadinejad est celui qui a fait le plus d'efforts dans ce sens. Lui et ses conseillers proches se sont frontalement opposés au Guide suprême, notamment lors de son deuxième mandat, au point que certains membres de son entourage ont été arrêtés sous divers prétextes.

Les causes de cette énergique opposition sont sans doute à chercher dans sa foi même. Sa conviction d'être en communication directe avec le Mahdi n'est pas seulement du mysticisme farfelu, cela remet en cause le  "velayat-e faqih", le gouvernement des religieux, censés remplir la place du Mahdi jusqu'à son retour. "L'administration du pays ne doit pas être laissée au Guide suprême, aux mollahs..." Son proche conseiller Mashaei est allé encore plus loin, affirmant qu'un gouvernement islamique n'est pas en mesure de diriger un pays aussi grand que l'Iran.

Ahmadinejad s'en est pris à la police des mœurs, affirmant que "c'est une insulte d'interroger un homme et une femme qui marchent dans la rue au sujet de leur relation." L'un de ses conseillers a été arrêté au sujet d'un article qui critiquait l'obligation faite aux femmes de porter le voile.

Quand le Guide suprême a fait sentir son pouvoir le Président ne s'est pas laissé faire. Pour contourner le ministère des Affaires étrangères (sous la houlette du Guide suprême), il a nommé des "envoyés spéciaux", puis des "conseillers". Quand le Guide suprême a rejeté la nomination d'un proche d'Ahmadinejad au poste de vice-président, celui-ci l'a nommé chef de cabinet.

Les candidats de l'élection de 2013 font pâle figure à côté, surtout les conservateurs, qui rivalisent d'allegeance servile envers le Guide suprême : "ceux ayant le moindre désaccord avec le Guide suprême n'ont pas leur place dans nos discours", etc.

Rappelons que, de même que l'opposition d'Ahmadinejad au clergé ne fait pas de lui un démocrate, de même le clergé n'est pas composé exclusivement de conservateurs partisans de la théocratie.. Historiquement, le clergé chiite plutôt quiétiste était loin de partager unanimement les vues de Khomeini. L'ayatollah Hossein Ali Montazeri fut ainsi maintenu à l'écart du pouvoir pour avoir demandé plus de démocratie et la séparation du politique et du religieux. Plus récemment, le président réformiste Khamenei était un religieux, de même que plusieurs candidats réformistes aux présidentielles.