samedi 7 novembre 2009

De l'arabe au français (2)

Curiosités étymologiques :
  • arcane vient de ['arkân] أركان : « piliers » en arabe, comme quand on parle des cinq « piliers de l'Islam » : ['arkân al-islâm]  أركان الإسلام
  • أمير [amir] « prince, commandeur », a bien sûr donné émir. Mais aussi amiral, issu de l'expression [amir al-bahâr] أميرالبحار : « commandeur de la mer ».
  • harem désigne en arabe un endroit interdit حريم [harim]. Ce mot a la même racine que حَرَام [harām] « interdit, illicite », le contraire de حلال [halāl]. Les « harems » auxquels les Occidentaux ont eu accès, par exemple en Algérie, étaient tout bonnement des bordels, d'où l'image qu'on en a...
  • hasard vient de الزهر [az-zahr] « dé, jeu de dés ». Le mot français a embarqué l'article, comme dans alcool ( الكحول [al-kohôl] « l'esprit »), algèbre (الجبر [al-djabr] « la réduction »), almanach, artichaut...
  • alchimie et chimie viennent du même mot arabe الكيمياء [al-kimia], lui-même issu du grec χημεία [khêmia] (« magie noire »). A l'origine il y a l’égyptien ancien kêm (« noir »).
  • Le luth, c'était à l'origine العود [al-`ūd], instrument arabe d'origine persane. L'Europe a ajouté des frettes, ce qui permet de jouer des accords.

De l'arabe au français

Le français comprend un bon nombre de mots d'origine arabe. Des plus évidents aux plus méconnus :
  • Mots qui restent liés géographiquement ou culturellement à l'aire arabo-musulmane. La plupart sont des emprunts directs aux différents dialectes arabes, éventuellement via le turc ou le persan : burnous, cadi, calife, couscous, émir, fellah, hachich, harem, hégire, henné, maghrébin, mamelouk, méchoui, minaret, momie, muezzin, oued, razzia, sirocco, tagine...
  • Termes scientifiques ou spécialisés, empruntés à l'arabe "classique" directement ou via le latin : alcool, algèbre, amalgame, azimut, camaïeu, camphre, chiffre, luth, zénith, zéro...
  • Mots familiers empruntés directement à l'arabe ou plutôt à sa variété algérienne, probablement à l'époque coloniale via l'armée : baraka, barda, bled, caïd, chouïa, came, camelote, caoua, clebs, kif-kif, maboul, nouba, salamalec, toubib...
  • Enfin et surtout, quantité de mots tout à fait "ordinaires", des mots de tous les jours, empruntés à l'arabe directement ou via le latin, l'italien, l'espagnol, le provençal, et qui ont perdu toute trace de leur origine arabe : alcool, alcôve, alezan, algèbre, ambre, amiral, arsenal, artichaut, assassin, aval, avanie, avarie, basané, berner, cafard, café, calfeutrer, calibre, carafe, chiffre, coton, épinard, gazelle, girafe, goudron, hasard, jarre, jupe, magasin, matraque, momie, récif, safran, sirop, tarif, zéro...
Merci Wikipédia !

samedi 29 août 2009

Le Maroc vu par TelQuel


TelQuel est un journal marocain en français, un journal symathique, courageux et intelligent. Tirage environ 50 000 exemplaires (autant pour Nichane, journal arabophone membre du groupe TelQuel).

Il y a quelques mois est sorti un numéro spécial "y en a marre", un recueil de mini-coups de gueule qui dessine un tableau très vivant du Maroc actuel et de ses problèmes grands et petits (analphabétisme, libertés entravées, fonctionnaires arrogants, pauvreté, corruption, islamistes, petites bonnes maltraitées, pas assez d'espaces verts...)
http://www.telquel-online.com/253/couverture_253_1.shtml

Quand TelQuel a voulu publier un sondage sur le roi, la police a saisi tous les exemplaires. La rédaction a réagi énergiquement dans le numéro de remplacement.

Nichane a eu des problèmes suite à un numéro sur les blagues.

mercredi 17 juin 2009

Les élections les plus propres

Article du Monde :
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a assuré, dimanche 13 juin, à des milliers de ses partisans réunis au centre de Téhéran que les élections, dont celle qu'il a remportée vendredi, étaient "les plus propres" et que leur résultat contesté par son rival malheureux n'avait pas été faussé. Son principal adversaire, Mir Hossein Moussavi vient de demander l'annulation des résultats pour "irrégularités". Pendant ce temps, les manifestations d'opposants se poursuivaient à Téhéran. Très peu d'informations sont disponibles sur ces manifestations et leurs conséquences, les médias internationaux étant empêchés d'approcher.

Le président iranien a ironisé sur les protestataires : "Ils peuvent être furieux de leur défaite. Ils ont dépensé beaucoup d'argent pour leur propagande et il s'attendaient à gagner. Donc, c'est normal qu'ils soient déçus", a-t-il dit.

"Les élections en Iran sont les plus propres", a poursuivi M. Ahmadinejad devant une assemblée comptant de nombreux pasdarans et bassidjis. Il a opposé les "démocraties libérales" à l'Iran où, selon lui, "tout est fondé sur les valeurs morales". En revanche, en Occident notamment, "on inclut les voleurs, les homosexuels et autre personnes impures dans l'électorat pour gagner quelques voix". "Ici, les décisions à tous les niveaux appartiennent au peuple".

M. Ahmadinejad a assuré à la foule que, contrairement à ce qu'affirme son adversaire, "il n'y avait eu aucune irrégularité" dans son élection. La foule a ponctué chacun des points forts de son discours par des slogans tels que "Ahmadinejad on te soutient", "Moussavi menteur"...

Il a enfin exposé les principes que suivra son prochain gouvernement : "la pureté, la justice, la lutte contre la tyrannie et la corruption". Le président a expliqué que, s'il se rendait une fois de plus en septembre à l'assemblée générale des Nations unies, il allait "demander aux puissances osant nous menacer de lever la main, de façon à ce que la nation iranienne la leur coupe".

Plus tôt, au cours d'une conférence de presse, M. Ahmadinejad a prévenu que tout pays qui s'attaquerait à la République islamique "le regretterait profondément". "Qui oserait attaquer l'Iran ? Qui oserait même l'envisager ?", a lancé le président iranien.

mercredi 13 mai 2009

Omar el-Béchir en 1989 et en 2009

Lors du coup d'Etat militaire qui renversa le précédent régime en 1989, Omar el-Béchir harangue la foule. Une kalachnikov dans une main et un Coran dans l'autre, il promet de "purger le pays des renégats, des larbins, des ennemis du peuple et des ennemis des forces armées" : "Quiconque trahit la nation ne mérite pas l'honneur de vivre."

Les institutions sont démantelées, les pouvoirs sont concentrés au sein du Conseil du Commandement Révolutionnaire. Omar el-Béchir devient chef de l'Etat, premier ministre, chef des armées, ministre de la Défense. Proclamé président en 1993, il instaure la charia, interdisant la musique, la danse et les fêtes de mariage. L'ordre est assuré par les Gardiens de la moralité et défenseurs de la vertu.

Omar el-Béchir héberge Osama Ben Laden entre 1991 et 1996, ce qui lui rapporte de l'argent une aura d'icône de l'islam radical. Il finit par expulser Ben Laden suite à la colère des gouvernements d'Afrique du Nord qui ont subi des attentats sur leur sol.

Aujourd'hui mis en cause par la Cour pénale internationale qui l'accuse de génocide au Darfour, Omar el-Béchir harangue la foule : "Le Soudan est visé parce que nous refusons de courber l'échine devant le colonialisme. Nous ne nous agenouillons que devant Dieu !" Réponse de la foule : "A bas les Etats-Unis !"

jeudi 16 avril 2009

Un modéré

En Iran, le président et les députés sont élus, mais dans les faits seuls les candidats religieux sont autorisés. L'élection se déroule donc entre les ultraconservateurs religieux, les pragmatiques religieux, et les religieux modérés. Mohammed Khatami, ex-président d'Iran jusqu'en 2005, est un modéré.

"Je suis un enfant de la Révolution, vous savez. J'étais impliqué dès le début,avec l'ayatollah Khomeini. Nous savions qu'il y avait eu des changements dans le monde, dans les sciences et la technologie, et que nous ne pouvions pas ignorer ces choses. Et l'Iran avait aussi besoin de son indépendance. L'Iran a une grande civilisation. Nous, les intellectuels religieux, pensions que nous pouvions atteindre tout cela -- que nous pouvions atteindre la modernité et être islamistes aussi."

Il fait une pause, puis reprend : "Nous étions très différents de ceux qui veulent ramener le monde en arrière... Le destin de l'Islam dépend de cela : un Islam qui peut apporter le dialogue et la logique au lieu du terrorisme, et apporter une contribution réelle au monde. Je pense que c'est ce que les Iraniens veulent. Et je pense que c'est ce que l'imam Khomeyni voulait aussi."

Il considère que l'Iran pourrait avoir "la démocratie, les droits de l'homme, et toutes les libertés que nous voulons", mais seulement dans un "cadre moral" islamique.

Il affirme qu'en tant que président il a fait son possible pour améliorer les relations avec les Etats-Unis, et parle de son soutien discret à la campagne américaine pour renverser les Talibans en Afghanistan. "Et puis les néocons sont venus et ont tout détruit." Il a bon espoir de voir les relations irano-américaines s'améliorer si Obama prend ses distances avec les politiques de Bush et "réduit l'influence du lobby sioniste".

Un peu comme Gorbatchev, Khatami aurait voulu plus de liberté, mais dans le cadre du système existant. Prudent voire indécis, les mains liées par le pouvoir des religieux, il n'a pas été un président marquant ; il a déçu les réformateurs tout en se faisant haïr des conservateurs. L'élection d'Ahmadinedjad en 2005 a mis un frein aux espoirs de réformes qu'il avait suscités. Il ne sera pas candidat cette année.

Deux amis

Toujours raconté par Jon Lee Anderson du New Yorker : cet hiver, le président équatorien Rafael Correa, un protégé de Chavez, est venu à Téhéran signer un certain nombre d'accords commerciaux. A la cérémonie, Correa, un gros bonhomme, s'est largement étalé dans un sofa . Ahmadinedjad semblait maigrichon à côté de lui ; il portait un cardigan et un costume gris chiffonné. Il souriait aux mauvais moments, et semblait mal à l'aise, peu sûr de ce qu'il devait dire. Ils étaient comme le couple mal assorti d'un mariage arrangé. Correa a dit exactement ce qu'il faut dire quand on est un dirigeant étranger espérant obtenir des crédits financiers de l'Iran. "Nous considérons les Iraniens comme un peuple héroïque qui a su se débarrasser d'une dictature sanglante qui était soutenue par l'Occident. Cet exemple est une inspiration pour nous en Amérique latine." Apparemment enchanté, Ahmadinedjad s'est tourné vers Correa, l'embrassant, et s'est exclamé : "J'ai trouvé un nouvel ami, et je ne vais pas le perdre."

mercredi 15 avril 2009

Ahmadinedjad, l'Occident et les juifs

Lors d'une interview à New York avec des journalistes et des universitaires, peu après son acession à la présidence, Ahmadinedjad commence par réciter quelques vers du Coran, puis, sous le regard impassible de ses subordonnés les plus haut placés, il parle obscurément de "problèmes d'identité et de moralité en Europe", avant de conclure par une litanie de questions rhétoriques : "Quels sont les causes premières de nos problèmes ? Quelle est la solution ? Où mène la tendance actuelle ?" Voilà les sujets abordés par Ahmadinedjad ce matin-là.

Quelqu'un l'interroge sur les libertés intellectuelles et les média. "Vous savez, en Iran, la liberté est une liberté très privilégiée. Tout comme vous arrêteriez un homme pour infractions au code de la route, il doit y avoir des lois sociales... Nous devons devenir des êtres humains propres. L'homme doit continuer à avancer sur un chemin sublime." L'Iran est le pays qui exécute le plus de condamnés au monde, relativement à sa population. Le meurtre, le viol, l'apostasie, l'homosexualité et le trafic de drogue sont punis de mort.

Parlant de justice, il mentionne l'Holocauste et le tort fait aux Palestiniens à cause d'un crime commis en Europe. Sur l'Holocauste il ajoute : "Il faut clairement plus de recherche. Pourquoi ne peut-on pas faire plus d'investigation dans cette affaire ?" Concernant le onze-septembre il pense de même que toute la lumière n'a pas été faite. "Un incident connu comme le onze-septembre a eu lieu. On ne sait pas encore clairement qui l'a exécuté, qui a collaboré avec les auteurs, qui leur a préparé le terrain. L'événement a eu lieu, et, comme dans le cas de l'Holocauste, il a été scellé en refusant de permettre à des groupes de recherche objectifs de trouver la vérité."

Le conseiller qui a organisé par exemeple l'exposition "Holocauste ? Un mensonge sacré de l'Occident" a des vues plus nettes : ce sont les juifs qui ont organisé le 11-septembre pour nuire aux musulmans. Sur le bureau de ce conseiller on trouve une photo représentant des Juifs orthodoxes avec des légendes : "accapareurs", "suceurs de sang".

Un homme pieux

Le président iranien (décrit par Jon Lee Anderson du New Yorker) semble se complaire dans son rôle de provocateur, rejetant le "mythe" de l'Holocauste, appelant à en finir avec le "régime sioniste" d'Israel, se vantant des progrès faits dans le programme nucléaire iranien. A cinquante-deux ans, il est petit -- un mètre cinquante environ -- et très mince. Il porte une perpétuelle barbe de cinq jours, signe de piété. Ses yeux sont inhabituellement petits et noirs, comme des raisins secs, et profondément enfoncés. Devant de grands rassemblements, Ahmadinedjad est démagogique et sévère, un guerrier sans joie, pointant l'index et agitant les poings. Devant un groupe plus réduit, il projette une gaîté presque inappropriée. Il parle en boucles circulaires du bien et du mal, de l'Est et de l'Ouest, de Dieu et de l'homme, mais ses tortueuses improvisations, à la logique toujours insaisissable, donnent l'impression que ces sujets le dépassent largement.

Il est difficile de dire combien de pouvoir Ahmadinedjad détient réellement dans la structure complexe et opaque de l'Etat iranien, mariage contre nature d'une théocratie et d'une république. Personne n'est plus puissant que le Guide Suprême Ali Khamenei, qui est depuis vingt ans l'autorité religieuse et politique suprême ainsi que le commandant en chef des forces armées. Ahmadinedjad a besoin de l'approbation du Majlis, le parlement, pour passer des lois ; Khamenei peut émettre des fatwa.

Ahmadinedjad est issu d'une famille modeste ; ses parents ont quitté leur petite ville en bordure du désert pour venir habiter à Téhéran, dans un quartier populaire, quand il était enfant. Etudiant en sciences dans les années 70, plutôt sage et conservateur, il s'abstenait de fumer du hashish et de courir après les filles. Séduit par le retour à l'islam, il a en horreur la "crapulence du clan débauché du Shah", dont il juge les excès luxueux responsables de la pauvreté des Iraniens. "Le traître Shah et son clan essayaient d'abolir la foi islamique et les motivations révolutionnaires parmi les étudiants en propageant l'immoralité, la promiscuité et la perversion."

D'abord séduit par Ali Shariati, intellectuel mêlant l'islam au marxisme et à l'anticolonialisme, le jeune Ahmadinedjad devient ensuite un admirateur de Khomeini. Dans son blog présidentiel, il raconte : "Plus je devenais familier avec ses pensées et sa philosophie, plus j'avais d'affection pour ce dirigeant divin, et sa séparation et son absence m'étaient intolérables." A la Révolution, Ahmadinedjad devient un Bassidj, membre d'une force paramilitaire composée de volontaires. Plus tard, il a alterné postes administratifs et enseignement au sein d'une Université purgée par Khomeini de ses "influences occidentales et non-islamiques". A l'université, il est très actif dans l'organisation des Bassidj ; il cause des problèmes aux professeurs et vient en classe avec un keffieh pour montrer sa solidarité avec la cause palestinienne.

Nommé maire de Téhéran en 2003 par un conseil municipal ultraconservateur, élu président de la République islamique en 2005 après avoir été coopté candidat par les poids lourds du pouvoir clérical, il manifeste une simplicité ostentatoire (on raconte qu'il refuse de toucher son salaire de maire, d'habiter son logement de fonction, qu'il a une fois ramassé les poubelles lui-même dans la rue), distribue petites sommes d'argent à la population, promet subventions et emplois. Président, il promet de rendre à l'Iran sa "juste place" dans le monde.

Ahmadinedjad est un mahdiste fervent. Dans la tradition chi'ite, le douzième Imam, ou Mahdi, a disparu au neuvième siècle, caché par Dieu. Son retour, avec Jésus Christ, amènera un paradis sur terre. Cela explique les allusions d'Ahmadinedjad au "promis" et à l' "homme parfait". Un politicien irakien raconte qu'une fois au cours d'une rencontre Ahmadinedjad n'a guère parlé d'autre chose que du Mahdi. La rumeur raconte que le président a des plans pour une super-autoroute et un point de réception à Téhéran, en prévision de l'arrivée du Mahdi.

jeudi 12 février 2009

Hindous et musulmans contre la Saint-Valentin

L'année dernière, plus de cent membres du groupe extrémiste hindou Shiv Sena rassemblés dans le centre de New Delhi brûlaient des cartes postales de Saint-Valentin et chantaient "Mort à la Saint-Valentin !" ou encore "Les gens qui fêtent la Saint-Valentin devraient être être bombardés avec des chaussures !"

Certains de ces défenseurs autoproclamés des valeurs traditionnelles indiennes menaçaient de battre les couples pris en train de se peloter en public. La police anti-émeute les a empêchés d'attaquer les restaurants qui offraient des menus spéciaux pour la Saint-Valentin.

"C'est une conspiration pour égarer les jeunes gens de notre pays," affirmait Jai Bhagwan Goel, chef de la brache d'Inde du Nord de Shiv Sena. "Nous savons qu'en Amérique, même des filles non mariées de 11 ou 12 ans sont devenues mères... et un homme sur deux là-bas est divorcé." "C'est leur culture ; on ne peut pas accepter ça ici."

Pendant ce temps, dans le Cachemire indien, des groupes islamiques séparatistes protestaient eux aussi contre la Saint-Valentin. Environ 40 manifestants, se donnant le nom de "Forum contre le mal social", se dirigeaient vers un quartier populaire de restaurants à Srinagar, la principale ville de la région, et demandaient aux boutiquiers de refuser de servir des couples et d'éviter les pratiques non-islamiques ce jour-là.

"Le gouvernement promeut de telles obscénités," disait Asiya Andrabi, le chef du seul mouvement de femmes séparatiste, Dukhtaran-e-Millat. La police les a contraints à se débander, eux aussi.

Menacés par les traditionnalistes et par le mauvais temps, les amoureux pouvaient toujours placer des petites annonces. Un certain Manoj écrivait ainxi à sa bien-aimée : "Mon coeur est comme un chou. Divisé en deux : les feuilles sont pour les autres et le coeur pour toi."

Joyeuse Saint-Valentin !

samedi 24 janvier 2009

Achoura

L'Achoura, célébration du martyre d'Hussein par les chi'ites :

http://www.lemonde.fr/proche-orient/portfolio/2009/01/07/les-chiites-celebrent-l-achoura_1138724_3218.html

jeudi 8 janvier 2009

Le Zimbabwe vu par ses dirigeants

Neveu du président, Leo Mugabe dirige un réseau de téléphone mobile, l'entreprise importatrice d'armements destinés à l'armée, une grosse ferme confisquée aux blancs... Le New Yorker l'a interviewé. Grosse voiture, secrétaire en mini-jupe, il fait preuve d'un optimisme en béton.

A propos des violences politiques :
"Avez-vous vu quelqu'un se faire battre depuis que vous êtes ici ? Il y a eu moins de violence ici qu'au Nigéria ! Et nous savons tous pourquoi la violence au Zimbabwe est exagérée -- c'est à cause de la richesse du pays. Nous avons certaines ressources ici, comme le nickel, l'or, le platinum. Je pense que les Zimbabwéens comprennent maintenant qu'ils souffrent à cause des sanctions imposées par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Europe."
Mais tout va bien. Son oncle a distribué des ordinateurs dans les écoles rurales :
"Dans quelques années, le Zimbabwe rural saura se servir des ordinateurs. Nous sommes une nation en mouvement, et ces enfants sauront ce que signifie l' empowerment [avoir le pouvoir sur sa vie]."
Cette semaine-là, l'inflation officielle au Zimbabwe dépassait les 11 millions pour cent. 80% des Zimbabwéens étaient sans emploi. La malnutrition chronique régnait ; la famine se répandait dans les campagnes. Deux millions de Zimbabwéens [sur 13 millions] dépendaient d'agences internationales pour leur nourriture. 20% de la population porte le virus du SIDA. L'espérance de vie est de 44 ans.
"Les gens vaquent à leurs affaires. Personne n'est en train de mourir de faim : ils conduisent de belles voitures ! En tant que chrétien, cependant, je pense que c'est une épreuve de Dieu, et l'attention dont fait l'objet le Zimbabwe est peut-être pour souligner que nous sommes le nouveau peuple d'Israël, et que nous avons notre propre Moïse."
Sur l'expropriation des fermiers blancs dans les années 2000, Leo Mugabe n'a aucun regret :
"Nous avons pris la terre. Donc, quelle est la prochaine étape ? La prochaine étape c'est les mines, les minéraux. Nous savons que nous sommes très riches, sans les Britanniques ou les Américains. Oui, ils ont investi, mais si nous avons à le faire nous prendrons les mines aussi."
N'a-t-il pas peur que le Zimbabwe soit ostracisé par la communauté internationale ?
"Nous avons aussi invité d'autres pays riches et puissants -- les Russes et les Chinois et les Indiens aussi. Les Américains et les Brits ne veulent pas s'asseoir à la table des négociations, mais ces gens-là veulent traiter avec nous, eux."
La découverte de diamants dans l'est du pays confirme Leo Zimbabwe dans son idée qu'il y a
"... quelque chose d'unique dans ce moment, dans ce pays."

dimanche 4 janvier 2009

Soufismes - 3

L'islamisation du sous-continent indien a commencé au XIIIè siècle, peu après la conquète de Delhi par une armée d'Afghans de langue persane. Une puissante confrérie soufie, celle de Chisti, s'est alors répandue dans toute l'Inde du Nord. Les disciples de Chisti, pèlerins et poètes, pratiquaient la pauvreté, rejetaient leurs familles et méprisaient les puissants. "Pourquoi dois-tu entrer dans les demeures des émirs et des sultans ? Tu marches dans les pas de Satan !" Sous leur influence, des hindous des basses castes se sont convertis à l'Islam pour échapper à leur naissance. Les femmes, partout très présentes dans le soufisme, étaient également bienvenues. Surtout, les Chisti acceptaient des non-musulmans comme initiés. Cela a donné le ton d'une cohabitation étonnamment harmonieuse entre musulmans et hindous dans le sous-continent ; celle-ci continue aujourd'hui, même si elle est durement mise à l'épreuve.

Musulmans et hindous, sunnites et chiites, adorent le même saint dans le même sanctuaire. Qalandar n'appartenait pas vraiment à un ordre, mais à la tradition des soufis excentriques, vivant de mendicité. Il était fortement influencé par l'hindouisme ; beaucoup d'hindous le considèrent comme la manifestation de Shiva. C'est un hindou qui ouvre la fête annuelle de l'urs. Pendant la fête beaucoup de fidèles apportent au tombeau des pots de terre contenant du henné, comme pour une épousée hindoue pour sa nuit de noce, et se l'appliquent en invoquant le dieu hindou de l'eau.

Comme le syncrétisme, l'hérésie a pignon sur rue : un derviche crie "Ali Allah ! Allah Ali !" -- Ali est Dieu, Dieu est Ali. Cet épouvantable blasphème lui coûterait sa tête ailleurs, mais à Sehwan personne ne semble être dérangé.

[L'Inde (sans Pakistan et Bangladesh) a aujourd'hui la troisième population musulmane au monde, plus de 150 millions, soit 13%. Spontanément et sans hésitation, un de mes collègues musulmans indiens aux US me disait qu'il se sentait plus libre dans son pays.]

Jadis, en Afghanistan, la tribu des Afridi n'avait aucun sanctuaire à vénérer. Ils incitèrent donc un saint notoirement pieux à venir habiter parmi eux. Puis ils lui tranchèrent la gorge, l'enterrèrent, et lui érigèrent un magnifique sanctuaire. Aujourd'hui cependant, les Talibans ont tendance à considérer le soufisme comme une idolâtrie. En Arabie éoudite, patrie du premier soufi (Mohammed bien sûr), les wahhabis ont détruit de nombreux vieux tombeaux de saints.

Tout cela ne fera pas automatiquement des soufis des alliés de l'Occident. Les gouvernements occidentaux sont un épouvantail pour la population. Le soufisme n'est pas uniforme. Des soufis d'une école conservatrice ont répandu le jihad, par exemple en Irak ; d'autres ont cependant été découragés par l'hostilité des fondamentalistes envers les saints soufis, et ont déserté. "Personne n'a le droit de dénigrer nos honorés saints de Dieu", affirme l'un d'eux, revenu d'Afghanistan après quatre mois chez les Taliban.

Pendant l'urs de Qalandar, on peut voir une armée d'hommes et de garçons, dénudés jusqu'à la taille, se frapper la poitrine en chantant un hymne funéraire au martyr chiite Hussein, tombé à Kerbala, ou se flageller jusqu'au sang avec des chaînes munies de lames de couteaux en criant le nom d'Ali, père de Hussein. Les autres pèlerins reculent ; certains semblent dégoûtés. Qalandar était chiite ; beaucoup de ses fidèles sont sunnites. Mais les tombeaux du Sindh, où vivent beaucoup de chiites, voient de plus en plus de manifestations sectaires comme celle-ci, signes d'une détresse face aux attaques de fondamentalistes comme les Talibans.

Les mystiques soufis, qu'ils soient orthodoxes ou populaires, subissent les assauts croissants des mollahs, amis des Talibans. Mais les rassemblements massifs dans les grands sanctuaires pakistanais suggèrent qu'ils ne disparaîtront pas de sitôt.

vendredi 2 janvier 2009

Soufismes - 2

Pour les soufis orthodoxes, tout cela est absurde. Le mysticisme islamique est un chemin strictement délimité vers la connaissance de soi. Le "vrai" soufi cherche à atteindre cet état par de rigoureuses disciplines, en particulier le dhikr, le souvenir de Dieu, par la récitation ou la méditation sur son nom. A travers la connaissance de soi, le mystique s'efforce d'atteindre la connaissance de Dieu Lui-même.

L'histoire est semée de conflits entre les mollahs (juristes islamiques) et les soufis. Les mollahs exigent l'obéissance ; les soufis tendent à insister sur la tolérance. Dans leur poésie, dont la lecture fait frémir les mollahs, les soufis représentent souvent le type d'extase qu'ils recherchent dans le langage de l'amour physique et de l'ivresse. "Je n'ai pas d'autre souci que l'ivresse et l'extase", a écrit Roumi, le plus grand poète du soufisme, que les disciples, l'ordre turc des Mawlawi, commémorent par une dance tournoyante qui est devenue en occident synonyme de tout le soufisme.

Cependant, les soufis orthodoxes sont aussi des musulmans respectueux de la loi. "Le soufisme est l'islam, l'islam est le soufisme." Dans l'islam orthodoxe les limites de la sainteté sont strictement prescrites. Des saints musulmans morts ne peuvent intercéder envers Dieu ou accomplir des miracles. Si des musulmans prient sur leurs tombeaux, ce ne peut être que pour la salvation du mort. Ils ne peuvent pas lui adresser leurs prières, ce serait de l'idolâtrie, shirk.

Il est remarquable à quel point le soufisme populaire s'écarte du soufisme orthodoxe. A Delhi ou à Lahore, les "vrais" soufis rejettent le soufisme populaire. L'un affirme qu'un vrai soufi doit connaître l'islam, aimer Dieu et être saint d'esprit ; mais les soufis du tombeau de Qalandar sont clairement fous. Un autre trouve que c'est de la superstition pas bien méchante. "Je me sens en sécurité parmi des occultistes creux. Je ne me sens pas en sécurité parmi des littéralistes."

jeudi 1 janvier 2009

Soufismes - 1

"Normalement nous ne pouvons pas connaître Dieu. Mais nos saints, ils ont cette connaissance."
Le soufisme populaire, mêlant le mysticisme islamique classique à l'hindouisme et aux croyances populaires, est un aspect majeur de l'islam dans le sous-continent indien.

Le sévère légalisme des Taliban et d'autres fondamentalistes y sont dans une phase ascendante, mais seule une minorité les suit. La plupart des 450 millions de musulmans au Pakistan, en Inde et au Bangladesh -- presque un tiers du monde islamique -- pratiquent une foi plus tempérée, plus tolérante, encore teintée superstitions pré-islamiques. Cette foi est fortement influencée par le soufisme, une tradition musulmane ésotérique et (théoriquement) non sectaire, suivie strictement par un nombre beaucoup plus réduit d'initiés. Dans sa forme populaire, le soufisme s'exprime principalement par la vénération des saints, y compris des mystiques autoproclamés, canonisés par leurs disciples.

Des monuments grands et petits sont érigés autour des tombeaux des saints. L'essence divine du saint, ou baraka, émane de sa tombe. "Physiqument, nos saints meurent. Mais l'esprit est toujours ici, parce qu'ils ont atteint l'éternité." Pour chaque grande tombe attirant une masse de pèlerins, il y a des milliers de petits sanctuaires, au bord des routes, dans les rues de Delhi, ou dans les déserts du Sindh. Par exemple telle petite tombe à l'entrée d'une ville, une cabane dont la gardienne conseille aux automobilistes de donner un peu d'argent pour s'attirer les faveurs du saint (qui selon elle lutte avec l'Indus pour l'empêcher de changer de cours, mais peut aussi provoquer des accidents de la route s'il est en colère).

A Sehwan Sharif, au tombeau de Qalandar, un des saints pakistanais les plus connus, a lieu chaque année une fête à laquelle assistent des centaines de milliers de fidèles, pour l'anniversaire de la mort du saint. Cet événementest appelé l'urs ou nuit de noces de Qalandar, c'est-à-dire son union avec Dieu : trois jours d'une orgie de musique, de dance et d'ivresse, littéralement et spirituellement. Devant le tombeau de Qalandar, les pèlerins s'excitent jusqu'à l'extase. Secouant leurs longs cheveux noirs, une douzaine de prostituées de Karachi ou Lahore ont une place réservée près de la porte dorée du tombeau ; elles dancent une jigue furieuse, le dhammal, faite de sauts rhytmiques d'un pied sur l'autre, typique des fidèles de Qalandar. Des centaines de gens dancent sur un lourd rythme de tambour. L'air est chaud et humide de sueur, adouci par une senteur de pétales de rose et de hachich. De nombreux paysans amènent en offrande au saint un linceul magnifiquement brodé par une épouse ou une mère ; ils prient le saint de leur accorder une bonne récolte, ou un enfant. Pour les fakirs de Qalandar, souvent vagabonds à plein temps, l'urs est une occasion fantastique pour manger, dancer et fumer de la dogue. Les sanctuaires soufis attirent aussi les prostituées, y compris des transexuels, non seulement à cause de la tolérance du soufisme face aux pécheurs, mais aussi parce que c'est un bon endroit pour pécher.

Le gardien du sanctuaire de Qalandar est franc quant à ses responsabilités : "Guider les gens et gagner de l'argent." Favorisés par les Moghols et les Britanniques, les gardiens de sanctuaires, en particulier ceux qui se disent descendants de saints, sont encore parmi les plus grands propriétaires terriens (malgré les nationalisations depuis les années 60). Leur influence politique est importante aussi.

Ce titre héréditaire est l'occasion de nombreuses querelles. Plusieurs douzaines de familles de la ville affirment être les vrais gardiens du sanctuaire. L'un des prétendants a établi sa boutique non loin du sanctuaire. Quand cet homme barbu et chargé d'amulettes entre dans la petite pièce, les fidèles se jettent à ses pieds. Grommelant, frappant à l'occasion un pèlerin qui lui écrase les orteils, il dispense ses bénédictions parmi eux. "Dieu t'aidera", grogne-t-il, distribuant des petits fils de coton bénis à l'avance, ou un bout de papier sur lequel sont grifonnés des versets coraniques.

Soufisme

Dans son édition de Noël, The Economist a publié un merveilleux article sur le soufisme dans le sous-continent indien. J'en ferai une petite synthèse.

Voir l'article pour les saveurs, les odeurs, les chants et danses, la chèvre teinte en rose offerte au saint, la barbe orange du vieux vagabond...